L’économie circulaire est définitivement entrée dans le jargon des décideurs politiques mais aussi des économistes, ingénieurs, architectes, designers industriels, scientifiques et entrepreneurs remettant en question l’opérationnalité conceptuelle du terme plus générique de « durabilité », dont la portée et la définition ne sont pas toujours faciles. Mais en avons-nous tous la même compréhension ?
Reportage Conseil Supérieur pour un Développement Durable
Pour une compréhension partagée et commune de l’économie circulaire au Luxembourg
L’accord gouvernemental reprend le concept d’économie circulaire dans 12 chapitres, et à 39 reprises. Des secteurs aussi divers que l’agriculture, l’immobilier, le logement, l’énergie ou les finances devront implémenter les notions et principes de l’économie circulaire. De ce fait, elle est devenue un des principaux fils rouges de l’action gouvernementale. Des interprétations très divergentes Mais il suffit de lire la presse pour se rendre compte qu’on est loin du consensus sur ce qu’on entend par économie circulaire. De nombreuses tentatives plus ou moins privées (issues de fondations, d’asbl, de groupements d’intérêts ou de lobbyistes...) tendent à donner des définitions teintées de leurs propres sensibilités et souvent réduites à leurs champs d’action privilégiés. Beaucoup d’approches prennent le concept par l’aval (gestion des déchets, recyclage...) d’autres par l’amont (écoconception...), certaines l’inscrivent dans le contexte du développement durable et en font une partie, d’autres l’opposent au développement durable (et à sa transposition par le « moins mauvais »), certains le restreignent à une nouvelle gestion des ressources naturelles ou des matières premières, d’autres le voient de manière plus holistique et y incluent des sujets sociétaux et sociaux, des modèles économiques disruptifs… Un pays – une même compréhension De surcroît, aucun pays ne s’est doté d’une définition politico-stratégique à laquelle notre gouvernement puisse se rallier. Employé pour la première fois en 1990 dans l’ouvrage Economics of Natural Ressources and the Environment de David W. Pearce et R. Kerry Turner. L’expression « économie circulaire » fait référence à une théorie économique à la croisée des enjeux environnementaux et économiques, et de plus en plus présente dans le monde. Depuis, ce concept a fait son chemin et les compréhensions ont de plus en plus divergé. Ce qui est certain, c’est que l’économie circulaire n’est ni l’économie du déchet, ni celle du recyclage. Ainsi, une tentative de définition de l’économie circulaire a été fournie par les Nations unies : « L’économie circulaire est un système de production, d’échange et de partage permettant le progrès social, la préservation du capital naturel et développement économique tel que défini par la commission de Brundtland. Son objectif ultime est de parvenir à découpler la croissance économique de l’épuisement des ressources naturelles par la création de produits, services, modèles d’affaires et politiques publiques innovants prenant en compte l’ensemble des flux tout au long de la vie du produit ou service ». Ce modèle repose sur une utilisation optimale des ressources et sur la création de boucles de valeurs positives. Il met l’accent sur de nouveaux modes de conception, production et consommation, le prolongement de la durée d’usage des produits, la réutilisation et le recyclage des composants. Généralement on accepte qu’il s’agisse d’un concept parapluie dans lequel se retrouvent des notions de conception (concevoir pour une réparation facile, un démontage et remontage, pour adapter, changer de destination, améliorer et mettre à niveau…) mais aussi un ensemble de pratiques incluant le biomimétisme*, le C2C (Cradle to Cradle), l’écologie industrielle, l’économie de performance et de service, les modèles de partage…, hiérarchisés selon leurs impacts, visant à éliminer l’idée même du déchet (ce n’est donc PAS la gestion efficace des déchets !). Attention au galvaudage Le terme circulaire est aujourd’hui à la mode avec le risque, comme l’a subi le terme durable, d’être galvaudé, banalisé ou démuni de sens. ll est donc urgent et essentiel de se munir d’une définition commune et acceptée par tous les acteurs représentants les piliers de la société d’autant plus que la philosophie de l’économie circulaire est par essence même systémique, holistique, voire transversale. Au-delà d’une définition simple sans être simpliste, mnémotechnique, servant de fil rouge, il faut retenir les grands principes à partir desquels se déclineront ensuite les actions des différents secteurs. Le Conseil Supérieur pour un Développement Durable (CSDD) a récemment pris l’initiative d’organiser des séances de travail avec des spécialistes de l’économie circulaire et des experts de différents domaines (finances, agriculture, logement, énergie, économie, construction...) pour tenter d’établir une proposition de définition et des principes. Le fruit de ce travail sera soumis aux différents ministres les plus concernés pour amender et sanctionner ces propositions. La version amendée sera soumise au Conseil des ministres avant la fin du premier trimestre 2020. Une compréhension partagée au niveau national Il est à espérer que le Luxembourg sera ainsi le premier pays au monde à retenir une définition nationale et une compréhension partagée de l’économie circulaire et ainsi avoir un outil efficace pour aligner les différents secteurs et instaurer une cohérence dans les actions et projets menés. Définition : Biomimétiques* Biomimétique ou biomimétrie est l’imitation des modèles, des systèmes et des éléments de la nature dans le but de résoudre des problèmes humains complexes. Les termes biomimétiques et biomimiques proviennent des mots grecs bios, c’est-à-dire la vie et la mimésie, ce qui signifie imiter. Un domaine étroitement lié est le bionique. Les organismes vivants ont évolué des structures et des matériaux bien adaptés sur le temps géologique grâce à la sélection naturelle. Biomimetics a donné naissance à de nouvelles technologies inspirées par des solutions biologiques à la macro et à l’échelle nanométrique. Les humains ont examiné la nature pour répondre aux problèmes tout au long de notre existence. La nature a résolu les problèmes d’ingénierie tels que les capacités d’auto-guérison, la tolérance et la résistance à l’exposition environnementale, l’hydrophobicité, l’auto-assemblage et l’atténuation de l’énergie solaire.
Romain Poulles, Conseil Supérieur pour un Développement Durable Article tiré du NEOMAG#28 Plus d’informations : http://neobuild.lu/ressources/neomag © NEOMAG - Toute reproduction interdite sans autorisation préalable de l’éditeur
Comments