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« Brûler nos déchets, c’est se priver de ressources »

Selon les principes de l’économie circulaire, incinérer nos déchets est loin d’être une démarche durable. Pour Romain Poulles, à l’heure où les matières premières s’épuisent à grande vitesse, il est plus qu’urgent de considérer les déchets comme des ressources pour nos générations futures.


Dans notre modèle économique actuel, tout ce que nous produisons termine, un jour ou l’autre, en déchet. « L’économie linéaire, à travers le recyclage des déchets, est un système qui tente de tourner en rond, mais qui n’y parvient pas, argue Romain Poulles, Président du Luxembourg Center for Circular Economy et du Luxembourg EcoInnovation Cluster. Après avoir extrait des ressources pour fabriquer des produits, après les avoir recyclés en partie, nous sommes, dans tous les cas et à un moment donné, amenés à les jeter, et donc à polluer. » Selon un rapport publié par le WWF en juin dernier, 28 % des déchets de plastique que nous produisons ne sont en effet pas collectés et se retrouvent dans la nature, que ce soit dans la mer, le sol ou l’air. 14 % des déchets de plastique sont quant à eux incinérés.


Un crématoire de ressources

L’incinération est une technique de gestion des déchets qui consiste à les réduire en cendres. Aux yeux de l’Europe, « l'incinération avec récupération d'énergie est considérée comme une opération de valorisation ». De nombreux projets de développement d’incinérateurs voient donc le jour aux quatre coins de l’Europe, avec pour objectif premier de réduire les déchets présents dans les décharges. Dans certains pays, tels que le Danemark, la Suède, les Pays-Bas et l’Allemagne, l’incinération est même devenue le principal mode de traitement des déchets.

Or, pour Romain Poulles, il ne s’agit en aucun cas d’une action durable et envisageable à long terme. « Le développement durable – selon la définition de l’expression la plus répandue présentée dans le Rapport Brundtland de l'Organisation des Nations unies – est un développement qui répond aux besoins du présent, sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs, souligne-t-il. En incinérant des déchets, on élimine donc de potentielles futures ressources et on empêche, définitivement, les générations qui nous suivent d’en profiter. »

Ressources qui, rappelons-le, s’épuisent. Rapidement. En 2017, la Commission européenne a ainsi dressé une liste reprenant les 27 matières premières jugées critiques pour l’Union, dont 8 sont entièrement importées. Le phosphate naturel, par exemple, constitue la base des engrais et joue par ce biais un rôle crucial dans la production alimentaire mondiale. Or, cette matière première, qui n’est recyclée qu’à 17 %, devient critique, tant en termes de quantité que de répartition géographique puisque la Chine, les États-Unis et le Maroc constituent les trois grands producteurs mondiaux de phosphate.


Un mode de traitement pas si vert

L’incinération est souvent présentée comme étant une alternative écologique de traitement des déchets, car elle permet de produire de l’énergie – électricité et chauffage – au départ de leur combustion et de les faire disparaître… tout au moins physiquement. Mais ce système libère aussi différents gaz dans l’atmosphère, bien que traités avant d’être rejetés : du diazote, du dioxygène et du dioxyde de carbone comme toute combustion, mais également du monoxyde de carbone, des oxydes d’azote, des gaz acides, des dioxines ou encore des métaux lourds selon le type de déchets brûlés et la législation, plus ou moins stricte, en vigueur dans le pays où se trouve l’incinérateur. « Brûler nos déchets contribue donc au réchauffement climatique et peut présenter, dans certains cas, des risques sanitaires pour l’Homme », commente Romain Poulles.

De plus, le déploiement d’incinérateurs n’encourage pas le développement d’autres systèmes. « Il valide l’idée même de déchets, et diminue fortement la volonté d’en produire moins sur le long terme, d’organiser ou d’améliorer la réutilisation à haute valeur de nos ressources, car il faut avant tout et surtout amortir les investissements réalisés, déplore Romain Poulles. Pour être rentable, un incinérateur doit en effet tourner à plein régime durant 30-40 ans. »


Transformer l’industrie des déchets

Dans une logique d’économie circulaire, le déchet constitue une ressource. Il ne s’agit donc pas de l’éliminer. « Tant que nous parlerons de déchet, nous ne serons pas dans un modèle circulaire, assure Romain Poulles. Continuer à gérer des déchets de la sorte n’est pas durable. Nous devons changer le système. L’industrie des déchets doit se transformer, pour traiter réellement les matières premières. Je ne dis pas que l’on peut passer tout de suite à un autre modèle, sans transiter par une période de recyclage par exemple, mais nous devons avoir une autre vision et développer de nouvelles approches. »

Comment ? En investissant par exemple dans une autre forme de conception et d’utilisation des produits, selon un modèle de partage ou de « product as a service », en empêchant les pays de se voir imposer des contrats à long terme avec des installations de traitement des déchets surdimensionnées, en récupérant les métaux stratégiques présents dans nos bâtiments, nos équipements et qui constituent de véritables « mines urbaines », des gisements de ressources à ciel ouvert. C’est en développant et concrétisant de telles idées que le Luxembourg, et l’ensemble du monde, pourront véritablement assurer une transition vers l’économie circulaire.


160.000 tonnes de déchets incinérés au Luxembourg Le Grand-Duché abrite une station d’incinération des déchets, celle du SIDOR (Syndicat intercommunal pour la gestion des déchets en provenance des ménages et des déchets assimilables des communes des cantons de Luxembourg, d’Esch et de Capellen). Située à Leudelange, elle sert uniquement à incinérer des déchets ménagers, encombrants et assimilés. Le SIDOR traite 160.000 tonnes de déchets par an, selon les normes européennes.


Interview par Jeanne Renauld. Entreprises magazine

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